Droit à la déconnexion pendant les vacances : les français accros au travail ?
De plus en plus de salariés n'arrivent plus à déconnecter après leur journée de travail, mais aussi pendant leurs vacances. Augmentation de la charge de travail et des responsabilités, pression du chiffre, peur de perdre leur travail, nombreux sont
les salariés tentés de répondre aux e-mails, aux messages instantanés, aux coups de téléphone et SMS tardifs. Levez le pied pendant vos vacances, faites valoir votre droit à la déconnexion !
Droit à la déconnexion (numérique) : contexte et sensibilisation
Depuis quelques années et en raison du développement des nouvelles technologies de l'information et de la communication (TIC), les outils numériques (smartphones, tablettes, pc portables...) ainsi que les médias sociaux professionnels prennent de plus en plus de place dans le quotidien des salariés.
Bon nombre d'entre eux restent connectés après leur journée de travail, le soir et le weekend alors même qu'ils ne sont pas d'astreinte, pendant leurs congés payés ou leurs RTT, voire même, pour certains, pendant leur arrêt maladie.
Concrètement, les salariés peuvent ainsi être amenés à prendre des appels téléphoniques professionnels sur leur téléphone portable en dehors de leurs heures de travail, à rester connectés de manière permanente à leurs outils numériques professionnels, à consulter leurs emails sur leur boîte mail professionnelle pendant leurs congés, etc.
Qui est concerné ? Focus sur les cadres et les salariés en télétravail
Sont davantage concernés par ce risque de connexion permanente les salariés cadres, en raison de leur niveau de responsabilités, mais également les salariés pratiquant le télétravail , qui constatent eux aussi avoir plus de difficulté à poser des limites entre leur vie professionnelle et leur vie privée.
La frontière entre la vie privée et la vie professionnelle tend à disparaître de plus en plus, propice à l'augmentation du stress mais aussi à la multiplication des risques psychosociaux, comme celui de burn-out.
Ce constat s'est d'ailleurs accentué ces deux dernières années avec le recours massif au télétravail en raison de la crise sanitaire liée à l'épidémie de Covid-19.
Qu'est-ce que le droit à la déconnexion en France ? Définition
L'objectif du droit à la déconnexion du salarié est de garantir à celui-ci le droit de séparer, de manière concrète et absolue, sa vie professionnelle de sa vie personnelle, et de couper, au sens propre comme au figuré, toute connexion à son travail une fois en repos.
L'exercice effectif du droit à la déconnexion dans le cadre du travail nécessite la mise en place de mesures adaptées.
À retenir :
Le droit à la déconnexion est le droit pour tout salarié de ne pas être joignable en permanence par son employeur, en dehors de ses heures de travail, pour des motifs liés à l'exécution de son travail, afin de :
- protéger et garantir son temps de repos ;
- et d'assurer le respect de la vie personnelle et familiale.
Est-ce que le droit à la déconnexion est encadré par la loi dans le Code du travail ?Comment le faire respecter ?
Le droit à la déconnexion des salariés est un concept créé par la jurisprudence.
Depuis 2017, à la suite de l'adoption de la loi El Khomri, le droit à la déconnexion est prévu par le Code du travail (Article L2242-17 du Code du travail), qui ne définit toutefois pas avec précision ce qu'il est, ni même ses modalités d'exercice.
D'un point de vue contextuel, le droit à la déconnexion découle de l'obligation faite à l'employeur de permettre à ses salariés d'articuler leur vie personnelle et professionnelle, et plus généralement celle de garantir leur santé physique et psychique (obligation de sécurité, qui doit faire partie des priorités de l'employeur).
L'employeur est donc tenu de prendre des mesures concrètes pour garantir l'exercice du droit à la déconnexion à ses salariés.
Quelles sont les obligations des entreprises françaises en matière de droit à la déconnexion depuis 2017 ?
Les modalités d'exercice du droit à la déconnexion sont fixées au niveau de l'entreprise.
Obligation de l'employeur : un accord ou une charte
En effet, en vue d'assurer le respect des temps de repos et de congé ainsi que la vie personnelle et familiale des salariés, il est prévu que la négociation annuelle sur l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes et la qualité de vie au travail doive impérativement porter sur :
- les modalités du plein exercice par le salarié de son droit à la déconnexion ;
- la mise en place par l'entreprise de dispositifs de régulation de l'utilisation des outils numériques.
À défaut d'accord, l'employeur doit élaborer une charte après avis du comité social et économique (CSE) qui :
- définit les modalités d'exercice du droit à la déconnexion ;
- prévoit des actions de formation et de sensibilisation à un usage raisonnable des outils numériques, à destination des salariés et du personnel d'encadrement et de direction.
L'ensemble de ces mesures vise à garantir la mise en oeuvre effective du droit à la déconnexion des salariés.
Ainsi, la charte peut par exemple prévoir la fermeture de l'intranet en dehors des heures de travail, l'obligation de ne pas répondre aux emails en dehors du temps travaillé, l'envoi différé des mails professionnels, etc.
Bon à savoir :
A titre d'exemple, la Convention collective des bureaux d'études techniques, des cabinets d'ingénieurs-conseils et des sociétés de conseils (SYNTEC) s'est récemment enrichie d'un avenant comprenant un article relatif au droit à la déconnexion. Celui-ci donne notamment l'assurance au salarié de ne jamais subir de sanctions ou de reproches du fait de son absence de réponse aux sollicitations intervenant pendant les temps de repos et de ne pas voir encourager ni valoriser des comportements différents.
Un référent à la déconnexion doit en outre être nommé (Avenant n°2 du 13/12/2022 à l'accord relatif à la durée du travail du 22/06/1999 modifié par l'avenant du 01/04/2014)é dans les entreprises de plus de 250 salariés. Celui-ci est en charge de la sensibilisation des collaborateurs et managers aux enjeux de la déconnexion, et de la diffusion des bonnes pratiques de la connexion responsable .
Concrètement, selon un sondage OpinionWay réalisé en 2018 pour Eléas, 23% des entreprises ont créé une charte de bonne pratique des mails et seulement 16% ont mis en place un système prévoyant des règles de déconnexion.
Bon à savoir :
Pour les salariés en conventions de forfait, la loi prévoit que l'accord prévoyant la conclusion de conventions individuelles de forfait en heures ou en jours sur l'année doit notamment déterminer les modalités selon lesquelles le salarié peut exercer son droit à la déconnexion (Article L3121-64 du Code du travail).
Les français ont du mal à déconnecter pendant les vacances !
Les salariés bénéficient d'un droit à la déconnexion en dehors de leurs plages horaires de travail et pendant leurs vacances. Pourtant, qui n'a pas déjà été tenté de consulter ses mails pour être au courant des dernières actualités de l'entreprise, ou encore de vérifier les différents rendez-vous et réunions programmés pour la rentrée ?
En 2019, 89% des femmes et 85% des hommes trouvaient que le travail était bien plus présent qu'auparavant pendant leurs vacances (Étude Qapa, les français et les vacances, 8 juillet 2019). Ces chiffres étaient en hausse puisqu'en 2017, 53% des femmes et 69% des hommes répondaient favorablement à la question : "trouvez-vous que votre travail est plus présent pendant vos vacances qu'auparavant ?" (Étude Qapa, Les Français arrivent-ils à se déconnecter de leur travail pendant leurs vacances ? 9 juillet 2017).
L'évolution vers une connexion permanente des salariés à leur travail s'est confirmée en 2020, puisque 49% des personnes interrogées indiquaient consulter leurs emails professionnels plusieurs fois par jour pendant leurs congés, contre 42% en 2018.
Cette tendance semble néanmoins susciter des sentiments contradictoires, puisque :
- 51% des personnes connectées pendant leurs vacances indiquent que leur attitude n'est pas acceptée par leurs proches, contre 42% en 2018 ;
- mais 79% d'entre elles estiment toutefois que le suivi constant du travail pendant les vacances permet d'être plus serein à la rentrée lors de la reprise de leur emploi, contre 75% en 2018.